Islande, le retour aux sources

Islande Scandinavie
Le petit état insulaire tente tant bien que mal de survivre après l’effondrement de son système financier à l’automne 2008. Plus d'un an après,  à force de surendettements, les banques, les entreprises et les ménages essaient de faire face au spectre d’une crise qui a bouleversé les habitudes d’un pays tout entier.

Petit pays de 313 000 habitants, L’Islande a fondé sa prospérité, dès les années 50 sur le secteur de la pêche. Mais depuis une quinzaine d’année, le secteur le plus florissant de l’île n’était autre que son secteur financier. Les trois banques les plus importantes du pays Kaupthing, Landsbanki et Glitnir géraient des actifs colossaux dans la mesure où ces actifs représentaient près de dix fois le Produit Intérieur Brut islandais. En 2007, le montant des impôts payés par la seule banque Kaupthing dépassait le budget de l’Education Nationale.  A l’automne 2008, les islandais ont vu leurs rêves de grandeurs s’effondrer tel un château de cartes. Presque un an jour pour jour après l’implosion du système bancaire, c’est tout le mode de vie des islandais qui est remis en question. Une population qui n’a malheureusement pas encore fini de payer l’addition.  En 2010, le niveau de vie des islandais devrait encore reculer de 16,5% selon les prévisions, «les plus optimistes» de la Banque Centrale.

Rien ne laissait pourtant présager que l’Islande se retrouverait en situation de quasi faillite, début 2007. Pendant dix ans, la petite république a vogué sur un rythme de croissance dépassant les 4%.En 2007, l’ONU classe l’Islande en tête des pays pour sa qualité de vie. Cependant, cette époque est vécue par la majorité des insulaires comme un âge d’or révolu. Désormais, l’ancienne colonie danoise n’est plus qu’une nation en déroute. L’Islande est devenue la nation la plus endettée du monde, toutes dettes cumulées. < La crise est sur toutes les lèvres et occupe toutes les conversations. Des bancs de l’université de Reykjavik, aux restaurants de la capitale en passant par les grandes artères commerciales de la ville, tout le monde ne parle que de cela et tente de trouver une explication, ou les responsables de ce désastre. «Kreppa» qui signifie marasme, bouleversement ou encore «Hörmung», catastrophe, sont les termes les plus en vogue chez les islandais ses derniers temps.  L’heure est au règlement de compte en Islande, et certains étudiants n’hésitent pas à tirer à boulets rouges sur leurs voisins scandinaves.

«Avec des amis comme ça, vous n’avez pas besoin d’ennemis»

Comme la majorité de ses compatriotes, Anna Ingunn Salling Árnadóttir, étudiante en sociologie à l’université de Reykjavik en veut aux autres nations scandinaves qui n’ont apporté aucune aide, «morale ou pécuniaire» à l’Islande durant le tsunami financier. «Que se soit la Finlande, la Suède où la Norvège, aucune de ses nations n’a voulu nous aider. Elles ont même pris des mesures conservatoires pour protéger leurs épargnants titulaires de comptes dans les filiales des banques islandaises» se désole la jeune étudiante qui en veut particulièrement au Danemark, ancien colonisateur de l’île, qui a ouvertement accusé l’Islande sans aucune preuves matérielles de blanchir l’argent de la mafia russe. «L’attitude du Danemark est nauséabonde, car certes il n’était pas obligé de nous venir en aide, mais instaurer la suspicion sur notre nation par le biais de tels ignominies sans fondement n’est pas digne du peuple danois» conclut la jeune femme.

Comme Anna, les Islandais oscillent entre colère, abattement mais aussi avec l’espoir que la prospérité revienne, mais regrettent aussi d’avoir été si naïf. Pour Bryndis Barkadottir, ancienne agent immobilier aujourd’hui au chômage, la crise a plongé le pays tout entier dans un repli sur soi, un microcosme, un «nano-style de vie» selon l’expression consacré. En plus de son isolement géographique aux confins des brunes de l’Atlantique nord, L’Islande doit maintenant faire face à un isolement humain «C’est peut être quelque part un mal pour un bien, nous devons tous réapprendre à vivre, la frénésie de consommation, les grosses berlines, les prêts en francs suisses, tout cela est terminé.» «Pendant des années, nous avons foulé aux pieds des valeurs fondamentales de notre nation, l’humilité et la modestie en tête» poursuit-elle.

Les islandais doivent donc radicalement changé de mode de vie en attendant des jours meilleurs. Ils ne peuvent plus se voiler la face. Les magasins d’occasions en tout genre, vêtements, électroménager, ont pignon sur rue dans les artères commerciales de Reykjavik, chose impensable une année auparavant. Pour notre étudiante Anna, pourtant issu d’un milieu favorisé c’est le signe que les mentalités sont en train de changer. «Avant la crise, il existait un seul magasins d’occasion à Reykjavik et je pense que j’étais la première à railler son existence, le qualifiant de magasins pour les pauvres. Désormais, je dois avouer que moi et bon nombre de mes amies faisons nos courses dans ces magasins notamment pour les vêtements où les rabais allant jusqu’à 60% sont légions». «J’ai parfois un peu honte, mais je dois apprendre à regarder autour de moi, tout le monde est contraint de faire attention à ce qu’il dépense, on essaie de faire durer les choses.» D’autres secteurs sont également en grande difficulté. L’industrie de l’automobile a enregistré une baisse de ses ventes de l’ordre de 85% tandis que l’électroménager constate aussi une baisse de l’ordre de 60%.

Anna poursuit son propos  en souriant «Maintenant, dès que nous voyons, un  beau 4x4 flambant neuf où lorsque nous passons devant des bijouteries, nous avons une expression pour désigner tout ce faste est ce luxe «það er 2007» = «ça fait 2007».  Comme avant la crise…

Fermeture des Macdonald’s en Islande

Néanmoins, la morosité ambiante dans la capitale n’est pas le sentiment qui prédomine l’Islande toute entière. Les villages alentours de Reykjavik qui vivent de la pêche sont en pleine effervescence. A prix égal en euros, le poisson se vend deux fois plus cher en euros. En une année la valeur de l’euro par rapport à la couronne islandaise s’est accrue de près de près de 85%.  Un comble pour l’industrie de la pêche islandaise souvent accusé par les autorités d’avoir raté le train de la modernité.

D’autres formes de «commerce», plus illégales celles-là,  connaissent un succès florissant en Islande : la culture de Cannabis sous serre. La police effectue chaque mois des saisies records chez bon nombre de particulier : Le cannabis nécessitant des conditions de culture aux antipodes du climat islandais,  certains particuliers ont facilement été repérés après avoir vu leur consommation d’électricité quadruplé pour satisfaire aux conditions de culture requises pour le cannabis.

Autre particularité, peut-être moins dramatique,  pour l’Islande relative à la crise, la fermeture des trois restaurants MacDonald’s que comptait la capitale. Depuis le 30 octobre dernier, l’Islande est l’un des rares pays d’Europe de l’Ouest dépourvu de Macdonald’s.  Le pays ne peut plus faire face aux coûts élevés des importations, lui qui importe les denrées alimentaires ainsi que les emballages d’Allemagne. Une fermeture qui n’est pas dû aux manques de succès de l’enseigne puisque les restaurants n’ont jamais été si remplis. Le dernier jour, l’affluence était telle que les restaurants se sont retrouvés à court de Big Mac tandis qu’il fallait parfois attendre jusqu'à 45 minutes pour être. Pour Johanna, coiffeuse dans un grand salon de la capitale, la disparition des MacDonald’s n’est vraiment pas dramatique «Je pense que nous avons d’autres problèmes plus importants que la fermeture des Macdonald’s donc je ne vais pas les regretter. Et puis, nous n’aurons qu’à aller à l’étranger pour en consommer, ce qui est plus triste  en revanche, ce sont les emplois qui vont être supprimés suite à ces fermetures.»

L’Islande est-elle en mesure de se relever ? Pour Kerstin, fraîchement auréolée de son diplôme de droit, cela ne fait aucun doute «Nous avons connu des heures sombres et cela a eu pour effet de renforcer notre cohésion. Tous les islandais, à défaut de Macdonald, sont nourris de haine et de revanche qui sont dans ma bouche des sentiments louables. Cela ne peut que nous aider à aller de l’avant. Nous avons voulu vivre au dessus de nos moyens et imiter l’Angleterre et les Etats-Unis, nous en payons les conséquences. Mais je sais que L’Islande renaîtra vite de ses cendres et je veux être là pour participer à cette reconquête.»

Un sentiment peu partagé sur l’île puisque selon une étude récente 68% des jeunes diplômés islandais souhaiterait aller exercer leurs talents ailleurs.  La reconquête n’est pas encore pour demain

Samir Hamladji

Photo : © Ragnar Th. Sigurðsson, Descendre et remonter Laugavegur à Reykjavík en flânant peut faire du lèche-vitrines un art.

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    Publié le 02/03/10 par NQ contact@nord-quotidien.com
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  • 1 Réaction:

    Anonyme a dit…

    Excellent article!!!

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