Les commentaires sont allés bonne plume, bon clavier et bon micro dans tous les médias, de la presse à la télévision en passant par les blogs et les radios, à propos du scandale politique qui a ébranlé notre charmant royaume de Suède le 21 janvier dernier,......date de l’onde de choc, et les semaines successives pendant lesquelles tout comme dans un tremblement de terre se sont produites les répliques.
Mais quel est l’objet de ce scandale si étrange? C’est ce que nous allons tenter de vous faire découvrir aujourd’hui au terme de notre enquête de décodage.Voici donc les faits pour le moins remarquables.
Le 20 janvier, entre 9 h 00 et 17 h 50, les dirigeants des partis politiques appartenant à la majorité et à l’opposition s’affrontent entre eux au Riksdagen (le Parlement suédois) et sont soumis à la question sur des sujets d’actualité à l’occasion du premier ‹‹ débat des chefs de partis politiques ›› de l’année.
Les débatteurs sont, du côté de la majorité gouvernante, Fredrik Reinfeldt (m), Jan Björklund (fp), Maud Olofsson (c) et Göran Hägglund (kd), dont les partis constituent l’Alliance pour la Suède, coalition de centre droit qui s’est formée dans les années 2004-2006, qui est arrivée au pouvoir en 2006 et qui aimerait bien s’y maintenir jusqu’en 2014. Et du côté de l’opposition, les débateurs sont Mona Sahlin (s), Peter Eriksson (mp) et Lars Ohly (v), dont les partis constituent la coalition des Rouges & Verts, formation de gauche qui s’est constituée en 2008 et qui aimerait bien prendre le pouvoir en 2010.
Ce type de débat ne revêt aucun caractère extraordinaire puisqu’il est inscrit dans le programme de travail de la session ordinaire du Riksdagen qui s’ouvre à la mi-septembre et s’achève en juin.
Il y en a trois par session : un en octobre, un en janvier et un en juin.
Jusque-là, me direz-vous, rien de bien spectaculaire. Et moi de vous rétorquer qu’en effet rien de transcendental si ce n’est que les partis politiques se retrouvent cette année dans une situation de concurrence exacerbée vu que 2010 est l’année de toutes les élections, lesquelles ont lieu le 19 septembre.
Ce que ‹‹ nos chères têtes blondes ›› se sont dit et par conséquent nous ont dit ce jour-là ce sont, dans les grandes lignes, les platitudes de circonstance qui peuvent se résumer comme suit. La majorité a présenté les bons résultats obtenus pendant les deux premières années de sa gestion; de bons résultats mis à mal par la crise financière qui a secoué le monde entier l’année dernière.
La majorité a également présenté les défis qu’elle comptait relever avec succès en cas de réélection : assurer le plein emploi, revaloriser les formations, poursuivre sa politique de baisse de l’impôt, lutter efficacement contre les violences en tous genres, combattre la consommation de drogues en tous genres, etc.
L’opposition a émit des doutes sérieux quant à la capacité de la majorité de gérer le pays au mieux de ses intérêts et de mettre en place une politique susceptible de le faire sortir de la crise d’une part et de lui permettre de renouer avec la croissance et ses corollaires : le développement économique et social, la réduction de la dette publique, le plein emploi, etc.
Vous allez sûrement me dire une fois encore que jusque-là rien de bien spectaculaire. Et moi je vais vous rétorquer une nouvelle fois qu’en effet rien de bien transcendantal.
Cependant, la génèse du scandale s’est élaborée non durant le débat mais dans l’après-débat lorsque les politiciens sortant de joute se sont réunis radieux, le sourire aux lèvres, pour la photo de famille. Notre Lisa nationale a eu alors la malencontreuse idée de poser avec, à ses pieds, un sac Louis Vuitton d’une valeur de 6000,00 sek.
Et c’est le 21 janvier, quand la photo a été publiée dans le quotidien Svenska Dagbladet et que journalistes et blogueurs de tout poil s’en sont emparés et y sont allés de leurs critiques, la grande question d’étique mise à la une étant ‹‹ La secrétaire générale du Parti social-démocrate des Travailleurs peut-elle s’exhiber avec des vêtements ou des accessoires de luxe ?
Cette question, même s’il apparaît légitime de se la poser, semble bien anodine comparée à d’autres questions beaucoup plus importantes. Et ce scandale bien dérisoire comparé à d’autres scandales beaucoup plus graves qui se sont produits aussi bien dans le monde de la social-démocratie que dans les sphères des autres partis.
En outre, il est de notoriété publique que Mona Sahlin ne brille pas, et n’a jamais brillé d’ailleurs, par son sens de l’à-propos ni du politiquement correct. Mais comme c’est justement son manque de discernement qui lui a déjà causé moult désagréments dans le passé, elle a tout lieu de s’inquiéter.
C’est pourquoi, même si cette anodinité et ce dérisoire nous font rire nous les lecteurs et les lectrices aguerris aux bons vrais gros scandales qui éclaboussent, ils ne doivent pas faire rire du tout Mona Sahlin car c’est à la suite d’une affaire quasiment tout aussi bébête qu’elle a dû renoncer à une brillante carrière politique en 1995.
Cette année-là, alors qu’elle est à la pré-apogée de sa carrière – elle est secrétaire générale du parti social-démocrate depuis 1992 et la première du nom, elle est vice-premier ministre et la première du nom, elle est la dauphine du premier ministre de l’époque Ingvar Carlsson –, elle se fait épingler par la presse suédoise notamment par le journal Expressen dans une triste affaire de paiements de frais personnels (achats de chocolat, de couches, et de cigarettes, location de voiture, retraits d’argent comptant) avec sa carte bancaire professionnelle, d’embauche du personnel de maison au noir, de non-acquittement de la redevance télé et d’amendes non réglées, entre 1990 et 1995.
Affaire légendairement connue sous le nom de l’Affaire Toblerone puisque le chocolat acquis aux dépens des contribuables suédois est de la fameuse marque. Si le montant de ces ‹‹ malversations ›› est somme toute ridiculement faible, dans les 53 000 sek, l’effet des révélations de la presse est énorme sur l’opinion publique.
Mona Sahlin se voit contrainte de donner sa démission. Le poste de présidente du parti social-démocrate ainsi que le poste de premier ministre lui passent donc devant les papilles! Et elle quitte ses fonctions de députée en 1996. Son léchage de babine lui coûte donc très cher et ne peut à n’en pas douter que lui laisse un arrière-goût plutôt amer dans la bouche.
Malgré tout – arrêtez les mouchoirs - elle ne s’est pas retrouvée complètement hors-circuit politique. Après une brève éclipse de circonstance pendant lesquelles ses petits camarades lui ont procuré différents jobs lucratifs, elle est revenue sur le devant de la scène politique. Entre 1998 et 2006, elle est successivement ministre du travail, ministre chargée des questions de l’Estonia, ministre de l’intégration et ministre de l’environnement, entre autres.
La défaite des sociaux-démocrates en 2006 n’affecte en rien son avancée. En 2007, elle succède à Göran Persson à la présidence du parti social-démocrate. En 2008, elle est la thaumaturge de la coalition des Rouges & Verts. Même les mauvais résultats des sociaux-démocrates (24,41 %) aux élections européennes en 2009 – les plus mauvais résultats du parti depuis 1921 – n’ont pas trop entamé son capital confiance. Et c’est en fière candidate de la gauche qu’elle s’affiche pour les élections de 2010.
Ce serait donc un méchant coup de l’ironie du sort que, quinze ans après l’Affaire Toblerone, ses frasques de goût luxurieusant du moment ne soient à l’origine d’une nouvelle affaire, en l’occurrence l’Affaire Louis Vuitton, qui l’évincerait une nouvelle fois de la scène politique. Les plus contents dans ce type d’affaires ce sont probablement les grandes marques qui en retirent bon gré mal gré pas mal de publicité gratuite...
Nous suivons cette affaire pour vous avec la plus grande attention et nous vous tiendrons au courant de ses rebondissements. Si tant est qu'il y en ait!
- Fredrik Reinfeldt – Premier Ministre et président du Moderata Samlingspartiet (Parti du rassemblement des modérés)
- Jan Björklund – Ministre de l’Enseignement supérieur et président du Folkpartiet Liberalerna (Parti populaire libéral)
- Maud Olofsson – Ministre de l’Économie et présidente du Centerpartiet (Parti du Centre)
- Göran Hägglund – Ministre des Affaires sociales et président des Kristdemokraterna (Parti chrétien-démocrate)
- Mona Sahlin – Députée et présidente du Socialdemokratiska Arbetarpartiet (Parti social-démocrate des travailleurs)
- Peter Eriksson – Député et porte-parole du Miljöpartiet de Gröna (les Verts)
- Lars Ohly – Député et président du Vänsterpartiet (Parti de gauche, ex-parti communiste)
Publié le 08/02/10 par Pierina Ceruti pierina@nord-quotidien.com
Une erreur, un commentaire, n'hésitez pas à nous laisser un message ci-dessous :









0 Réaction: